quarta-feira, 25 de março de 2020

Nikos Vardhikas' essays from Vers La Tradition

Nikos Vardhikas - Est et Ouest [Vers La Tradition (revue) nº43]

Par ce titre, nous entendons transposer dans le cadre de la Chrétienté l'opposition jadis étudiée par R. Guénon (Orient et Occident) pour des ensembles plus larges. Ceci est devenu urgent, par l'actualité : les cris triomphalistes sur la “victoire de l'Occident" sont très récents. Cependant, le sentiment qui les anime ne date pas de l'effondrement des systèmes communistes en Europe de l’Est. L’opposition de l'Occident à sa partie orientale est très vieille : elle date en effet des incursions barbares. Tout simplement, l'adage “Hors de l'Eglise (Catholique Romaine, s'entend, avec la plenitudo potestatis de son Pape, son Inquisition et son salut forcé), nul salut'’ s'est transformé en l'adage, plus conforme en cette présente époque non-religieuse “Hors de l'Occident pas de salut”. Ceci nous laisserait complètement indifférent, s’il ne s’agissait que d’un adage économique qui peut être vrai ou faux. Mais on voit déjà les signes d'un triomphalisme culturel qui tend à identifier, dans l'horreur, communisme et Orthodoxie et à justifier ainsi l’aversion séculaire de l'Occident romano-germanique (agricole et féodal) à l’encontre de l’Orient chrétien gréco-slave (urbain et commerçant). Une deuxième raison pour notre intérêt est le fait que nous sommes frappé nous-même par le destin de l'Orthodoxie et nous accordons ainsi volontiers un bénéfice de doute à ceux qui posent la question de façon aussi brutale et convaincue. Nous espérons aussi satisfaire ceux des lecteurs qui se posent, de bonne foi, des questions sur la “collusion” entre le communisme et l’Eglise Orthodoxe. Il doit être bien entendu que nous renvoyons dos-à-dos communisme et capitalisme, d’un point de vue culturel ; on ne doit pas nous soupçonner de nous intéresser à des questions superficielles, car, dans la crise du monde moderne, les “deux” systèmes veulent se présenter comme des entités plus qu'économiques, ce qui est illégitime. D'ailleurs, leurs prétendues différences sont nulles, de ce point de vue, et à un double niveau : - d'abord, les deux préconisent, aux yeux d'un orthodoxe même contemporain, une civilisation de l'équilibre de la teneur ; de la programmation rationnelle du bonheur général, de déchets toxiques, de désagrégation de la matière, d'hébêtement consumériste (très visible chez les citoyens de l'Est, même si leurs sytèmes sont incapables de satisfaire ce “besoin”), d'aliénation de l'existence humaine par des idéologies totalitaires. - ensuite, parce que le communisme de l’Est n'est pas autre chose qu'un effort effréné de l’Est pour “se moderniser”, c'est-à-dire pour s’occidentaliser. Nous essaierons donc de voir la question des deux côtés : - pourquoi est-ce que les Occidentaux ont depuis très tôt identifié l’Orthodoxie avec la ‘"stagnation” et qu’est-ce qu’il en était réellement, - deuxièmement, et peut-être plus significativement, pourquoi est-ce que les Orientaux eux- mêmes surenchérissent de leur côté en identifiant le Catholicisme et le Protestantisme avec le “progrès”. Mise à part la colossale ignorance de la tradition orientale des deux côtés, ces deux points de vue identiques cacheraient-ils un fragment de vérité ?

Le jugement du Gibbon (Décliné and Fall of the Roman Empire) sur Byzance est connu : une longue et ennuyeuse histoire où la faiblesse le dispute à la misère. Ce mot étrange, “faiblesse”, dénoterait-il la relative douceur des lois byzantines par rapport aux romaines, après la christianisation de l'Etat ? Ne croit-on pas entendre là comme l’annonce des plaintes de “laxisme” favorites des mouvements d’extrême droite “traditionnaliste ?” Byzance, dans le cerveau moyen, rappelle tout de suite des discussions interminables “sur le sexe des anges”, ou alors une espèce d’Eldorado oriental ; bref, une entité détestable mais bonne à piller, ce qui est effectivement arrivé en 1204. Les mosaïques de Ravenne, selon l'essayiste Hippolyte Taine, montrent, en tant qu'art décadent, ce que Fart grec est devenu aux mains monastiques des théologiens disputeurs et des césars fardés du Bas-Empire (1865). Certes, de tels jugements sont aujourd'hui considérés excessifs ; mais ceci est dû à l’idéologie antiraciste seule, car de telles opinions se trouvent au fond des analyses de plusieurs historiens occidentaux et du public en général. L'historien (marxiste, mais ses vues correspondent maintenant à la “raison moyenne”) Perry Anderson ( Passages de l'Antiquité au féodalisme) trouve, à l'Est (et surtout au sud du Danube) un retard économique , politique et culturel et une stagnation et régression de plusieurs siècles. Ceci est défini par rapport à la situation des vastes terres vides du Nord qui n’avaient quasiment jamais connu ni civilisation urbaine ni formations d’Etats et où avait régné la logique implacable de l’esclavage et de l’attachement à la glèbe. La stagnation est décrite dans ces termes (qui nous paraissent à nous très positifs) : civilisation urbaine et marchande, petite propriété foncière de paysans libres, esclavagisme jamais poussé jusqu’à la constitution des latifundia, moins d’effets négatifs par la crise du mode de production esclavagiste, plus de cohésion interne de la formation sociale. L'Orient est stérile et immobile , tout en étant, par rapport à l'Occident de la même époque, plus riche, plus stable et plus libre ; il développe un hiératisme défini comme monotonie des formes de pensée et d’art ; il lui “manque” l’augmentation de la densité démographique et du rendement agricole (qui est inutile, si la population n’augmente pas ; d'ailleurs, de l'aveu de l’auteur, le peu d’inventions techniques agricoles est partiellement dû à la nature des sols, arides et légers). D'autres “défauts” de l'Orient chrétien sont relevés : - pas de dynasties héréditaires (mais une pérennité étonnante), - pas de titres héréditaires - pas à assimilation religieuse et linguistique (c'est-à-dire pas d'identification de la Vérité avec une seule langue ; car pour l’Occidental moyen, et pour l'auteur, les deux notions - religion et langue - étaient identiques) des Slaves nouvellement arrivés (VII e siècle) ; Cyrille et Méthode sont obligés d'inventer l'alphabet glagolitique, - pas de différenciation de classes sociales au point conflictuel ; ceci est un défaut car les “réveils intellectuels" sont dûs aux “déblocages de la situation sociale”. L'Empire Serbe en 1346, qui, en rupture avec Byzance, avait imposé les domaines héréditaires exploités par des serfs attachés à la glèbe et le travail des esclaves dans les mines, gérées par des Saxons (déjà !), et dont l’administration était une grossière copie de celle de Constantinople est qualifié d’Etat slave le plus moderne des Balkans au Moyen-Age, phrase révélatrice à l'extrême. On l'aura compris, ce qui est décrit ici et admis comme rétrograde est une société “encore" traditionnelle, dont le seul “défaut” est de ne pas ressembler à l’Occident de la même époque, y compris dans les souffrances et les crises de celui-ci ! L'image de décadence, régression et stagnation anti-progressiste de l’Orient chrétien a commencé avec Charlemagne et la question du filioque ajouté au Symbole de Nicée ; depuis, les “Grecs" sont considérés “hérétiques” et depuis le Schisme de 1054 (date qui marque, pour les Orthodoxes, le déchaînement de Satan décrit dans l'Apocalypse) ils sont aussi “schismatiques". Le mythe Occidental le plus caractéristique est celui du vampire Dracula, inventé au XIV e siècle par les Allemands de Transylvanie et repris génialement par le membre de la société secrète Golden Dawn , Bram Stoker, qui en a fait un mythe contre-initiatique complet. Ce mythe supporte plusieurs interprétations : le rétrograde décadent orthodoxe qui vient troubler des bourgeois protestants (les héros sont un notaire et un “scientifique"), le communiste de l'Est qui menace les démocrates Occidentaux, et même l'inverse : l'aristocrate toujours décadent vaincu par un prolétaire communiste (version cinématographique de Morissey). Pour l'Occident, donc, la lutte anti-orientale commencée au niveau culturel dès le IX e siècle se poursuit sans rupture le long du Moyen-Age et dans les temps modernes, pour finir, en 1990 par sa “victoire finale" et la “fin de l'histoire". Orthodoxie et communisme sont deux facettes du vampire oriental. Par contre, en Occident - ainsi le veut le “mythe" moderne - également sans rupture, le Catholicisme centralisateur et assimilateur linguistique aussi bien que religieux (en réalité assimilé lui-même aux coûtumes tribales germaniques) a procédé à la synthèse romano-germanique et à l'invention du féodalisme, structure soi-disant “dynamique" qui a produit de tels conflits sociaux, que le “progrès” social est devenu possible, attesté par les inventions techniques (et par les conquêtes coloniales, les croisades internes et externes, etc...).

Aveugles au fait que l'État-Nation a surtout signifié le Ein Volk , Ein Reich , Ein Fiihrer de sinistre (nous l'espérons) mémoire, les Occidentaux célèbrent ainsi aujourd'hui une victoire qu'en réalité ils ont eue sur l'Orient dès l'époque de Pierre-le-Grand, et qu’ils considèrent (c'est, nous le répétons, l'unique raison pour que nous nous y intéressions) totale et trans-temporelle. Du côté de l'Orient chrétien, car “le poisson pourrit par la tête”, l'identification du Catholicisme avec le Progrès et de l'Orthodoxie avec le “Despotisme Oriental", existe aussi. Il y avait en Russie des “nouveaux philosophes” dès le siècle dernier. Parmi les intellectuels russes de cette époque seul Dos- toievski avait vu le piège que constituaient à la fois l’occiden- talisme et la slavophilie (panslavisme). C'est là, dans la Troisième Rome devenue ensuite Patrie du Prolétariat, qu'en 1836 l'aristocrate Piotr Yakovlevitch Tchaadaïev conclut que seul le rattachement de sa patrie au Catholicisme pourrait la “faire rentrer dans l'histoire". Son vœu s'est peut-être réalisé, dans les faits sinon dans la forme, mais il paraît qu'il a échoué... Sans accabler la seule personne de Tchaadaïev (considéré à son époque comme fou et enfermé), nous dirons que son cas est caractéristique d'un pourrissement de la tradition : en effet, l’étatisation de l'Eglise sous Pierre le Grand (qui n'est pas la même chose que la christianisation de l'Etat) suivait un pourrissement dont la seule exception fut Saint Nil de Sora. Aujourd'hui, d'ailleurs, les idées de Tchaadaïev prévalent dans tout l’Orient, sans provenir directement de lui : elles étaient dans “l’air du temps". Dans tout pays orthodoxe ou simplement “sous-développé" il y a des centaines de Tchaadaïev (de droite et de gauche) qui répètent inlassablement cette thèse : hors de l'Occident (hier Catholique ou Protestant. aujourd'hui socialisant ou bourgeois), nul salut.

Voyons maintenant en quoi les thèses des occidentalistes orientaux et occidentaux que nous avons exposées jusqu'ici sont justes. Elles sont entièrement fausses, bien entendu, d'un point de vue traditionnel ; mais, une fois le point de vue moderniste admis, ces thèses sont vraies : il est vrai que l'Orthodoxie (comme la société qu'elle inspirait au Moyen-Age), ayant été moins altérée que le Catholicisme, permettait moins de “progrès". Il est vrai aussi qu'en Occident les germes de l'altération remontent assez loin dans le temps. En poursuivant notre analyse (ou, comme le dit F. Schuon. notre synthèse). nous ne manquerons pas à notre réputation d’accuser le Catholicisme "de tous les maux" (2) : il faut une fois encore dire comment sont les choses, puisque “la victoire de l'Occident" ne tardera pas à se poser en termes ecclésiaux aussi ; la redécouverte de Tchaadaïev par les journalistes du “Figaro Magazine", par exemple (journal soi-disant attentif à la tradition) n'est plus très loin. La question est donc : quel a été le rôle du Catholicisme dans la naissance du capitalisme, non pas tellement en tant que système économique, mais en tant que l'aboutissement pseudo-religieux du rationalisme-juridisme-individualisme européen ? Nous considérerons comme une évidence que la pseudo-religion marxiste a pu s'implanter en pays orthodoxe pour deux raisons : le pourrissement de l'Eglise visible, d'une part, et l'apparente opposition du nouveau système à cet Occident incompatible avec l'Est ; il s'agit d'une incompatibilité de Tait et de nature et non d'idéologie. La déviation occidentale, unique dans l'histoire, vers le rationalisme et le nihilisme est placée par la plupart de ceux qui s'intéressent à la métaphysique aux alentours du XIV e siècle ; le Moyen-Age est uniformément pris comme une époque traditionnelle "rose", sans prise en compte ni de Byzance ni du Caliphat de la même époque. René Guénon s'émerveillait du terme “Catholicisme", y voyant la reconnaissance du caractère “universel" du christianisme ; une telle volonté d'universalisme, bien entendu, si elle ne vise pas tout simplement la domination, ne peut être entendue qu'ésotérique- ment. Le terme “Catholique" se trouve formulé dans le Symbole de Nicée. L'accaparer pour désigner une dénomination séparée revient à une récupération du reste de la phrase concernée : Eglise une, sainte, apostolique - sous-entendu : la seule. Pour un théologien oriental, ce terme, utilisé comme dénomination d'une confession chrétienne après le Schisme, renvoit surtout à des prétentions administratives, sociales et juridiques. Le terme “Orthodoxe" (adoration - ou dogme - juste) décrit et qualifie la foi ; il renvoit à la fidélité aux 7 Conseils Oecuméniques et aux Pères de l'Eglise. Certes, il relègue “les autres" dans l'erreur, mais il n'affiche de prétentions que dogmatiques - pas administratives. L'une des Eglises s'appelle “Assemblée Universelle Romaine" (souvent aussi “Apostolique". comme si les autres étaient des imitations) ; l'autre, “Assemblée Orientale des Justes Adorateurs" (dénomination rendant évidente la composition d'une Eglise : Assemblée de fidèles, et ne tirant pas sa légitimité d'un Siège, fût-il apostolique. L'étatisation de la tradition commencée par Philippe le Bel au XIV e siècle fut donc précédée et préparée par la coupure consciente de l'Occident de ses racines orientales dès Charlemagne, au IX e siècle. Cette coupure s'est concrétisée officiellement au XI e siècle, par le Schisme (“Schisme d'Orient", pour les catholiques). Mais tout cela n'est que la surface. Au niveau métaphysique, les deux plus grands Pères Latins, Saint Augustin et Saint Thomas d'Aquin marquent la scission de l'Occident de la Tradition des Pères et marquent, dans le temps, deux points importants du Moyen-Age. Le premier a consacré, au IV e siècle déjà, “la dénégation du caractère apophatique de la connaissance de la vérité “(3) et a ainsi relié le christianisme occidental avec le juridisme de la Rome païenne. De là daterait la prétention de renfermer la vérité dans sa formulation, dans des formules définitives, schématiques et mortes aussi bien que mortifères. “La pensée est alors tout ce que le langage énonce et rien de plus" (4). Les bases des prétentions papales ultérieures, du rationalisme “religieux" et de la “certitude du salut" même, sont déjà jetées. Il s'agit ici d'un “scientificisme" pieux, opposé par les continuateurs de St. Augustin (qui. lui-même ignorait le grec) fantasmatiquement au supposé “flou" oriental. La vraie opposition ne se pose pas contre un “flou", mais contre un rapport vivant avec la Réalité et un Dieu perçu comme une Personne Vivante. C'est sur cette base, latine (c'est à dire coupée de la pensée orientale d'expression grecque), que les Goths d'abord ont essayé (sans succès) de rationaliser l'Eglise avec leur arianisme (hérésie typiquement grecque qui "éliminait l'un des plus troublants mystères de la Foi et rendait la religion plus accessible à la raison moyenne" - J. Cal- mette). Ensuite les Francs, depuis Charlemagne et par l'introduction du fîlioque (auquel la Papauté a résisté pendant 4 siècles) ont provoqué le Schisme de 1054. A cette époque, le Catholicisme ignorait déjà la Pneumatologie et le dépassement de l'égo individuel contenu dans le concept de la Trinité. même si sans cette notion il n'y a pas de Christianisme à proprement parler ; la religiosité individuelle et, donc, le moralisme et le piétisme, vus comme "améliorations" de l'égo individuel en prennent la place. La prétention de fonder la “Cité de Dieu" est exprimée. Le Grand Inquisiteur peut désormais apparaître. La naissance de la civilisation moderne doit être formellement datée de 1054. date qui clôt le millénaire chrétien, par l'autonomisation et franquisation de cette Eglise qui s'appelle, dans une saisissante contradiction des termes, à la fois universelle et romaine. Spirituellement, cependant, cette naissance est précédée d'une conception antérieure de sept siècles, dans l’Eglise et non pas sous forme d'hérésie.

Avec la “Somme théologique", St. Thomas d'Aquin, au XIII e siècle, tire les conclusions de cet état de choses et les porte à leur aboutissement, en inventant pratiquement l'infaillibilité papale ; il ne faut pas oublier qu'avant lui il y a déjà eu la fondation de l'Inquisition (1233) et l'acceptation officielle par le Pape de la torture comme méthode d'interrogation des hérétiques. Le Christianisme est désormais synonyme de “fidélité à la lettre de la formulation de la vérité", à laquelle cette même Somme participe ; le salut individuel et le “scriptura sola" sont-ils si loin ? De là vient l'utilisation des Evangiles comme s'ils contenaient les “ipsissima verba" du Christ (vu comme une Autorité à la manière d'un Aristote), les plaintes que le Christianisme ne possède pas une langue assez sacrée et une révélation “directe" où la divinité puisse parler (soi-disant) sans intermédiaire, mais aussi l'aveuglement quant au fait que les quatre (!) Evangiles veulent véhiculer surtout le mythe Christique et non pas le verbe du Verbe (5). Il va sans dire que la réaction protestante n'a combattu que les effets de tout ceci, mais pas les causes, perdues de vue ; comme les scolastiques, “ils retournent à l'ontologie grecque, rejetée par les Pères, mais n’admettent pas la gnosiologie grecque que les Pères ont adoptée". On peut déjà voir que, de ce point de vue, qui renvoie l'Occident moderniste au Catholicisme du XI e , sinon du IV e siècle, Tchaadaïev a absolument raison : l'Orthodoxie était incapable de donner naissance au monde moderne (autrement que par la force). La “faute" de l'Orthodoxie est d'avoir trop longtemps été juste ; d’être plus longtemps restée fidèle à une métaphysique de dépassement de l'égo, non-obscurcie mais renforcée par la vie ecclésiale exotérique. Ceci faisait anomalie dans un monde déjà moderne et ne pouvait en il aucun cas aider à la fondation d’une entité socio-économique sans racines, basée sur le progrès, le “développement” toujours plus abondant, l’évolution et la soumission de toute considération aux critères de rentabilité et - accessoirement - sociaux. 

LA PHASE FINALE DU CHRISTIANISME 

Le triomphe de l’Occident, s’il s’avère total (et pas seulement économique) marquerait l’impossibilité de toute issue spirituelle pour l’Orient chrétien et donc pour le Christianisme. La destruction “trop tardive” de l’identité culturelle de l’Orient Chrétien avait conduit à une anarchie qui permit et même “justifia” sa mise en congélation communiste. L’état de la Grèce (non-communiste uniquement à cause de Yalta), de la Yougoslavie, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Géorgie, de l’Arménie et de la Russie durant tout le XIX e et XX e siècles en témoigne (il faut se rappeler qu’en Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie et RDA, le communisme s’est imposé par occupation ; ce sont donc bien les pays orthodoxes dont l'histoire est ici significative). Le retour à cette identité n’est ni probable par la volonté des intéressés eux-mêmes ni possible par une “aide” occidentale ; les peuples eux-mêmes en sont incapables, et l’Occident ignore le sens même de la notion de tradition spirituelle en tant qu’identité. Par conséquent, la destruction pure et simple des dernières traces de cette identité est plus que probable. Cette destruction sera plus brutale et plus désespérante qu’elle ne l’a été pour l’Occident lui-même ; celui-ci l’ayant entrepris il y a de nombreux siècles, il s’est entretemps forgé des oeillères solides consistant en “l’Etat de droit”, “l’Ordre républicain”, etc.

Elle sera plus brutale aussi qu’elle ne l’a été ailleurs, où les dernières parcelles d’auto-connaissance n’étaient pas détruites (Inde) ou la tradition pouvait tolérer n’importe quelle forme extérieure (Japon) ; surtout, plus brutale parce que nulle part ailleurs qu’à l’Est une tradition n'avait été consciemment et méthodiquement détruite par ses exposants mêmes. Il est illusoire de penser que l'Est pourra prendre de l'Occident “le meilleur” seulement. La démocratie parlementaire, à supposer que ce soit un bien absolu, vient difficilement à une société qui n’est pas d’abord passée par les “étapes” du travail des enfants, des découvertes et empires coloniaux, de l'esprit protestant du travail, etc. Dans l’état actuel de la chrétienté, donc, la seule alternative pour l'Orient est de devenir le sous-traitant de l'Occident, économiquement et (surtout) culturellement, ce qui lui assurera sûrement plus de prospérité qu’auparavant. Si, cependant, ce scénario est plausible théoriquement, et sûrement mérité spirituellement, il reste à voir s'il est réaliste. Peut-on espérer que des peuples qui sont déjà à l'étape nihiliste (selon Dostoievski, état nécessaire d’un Orthodoxe ayant abandonné sa tradition, justement parce que cette tradition vivante jusqu'à très récemment, et morte assassinée et non pas de sa belle mort, lui apprenait à ne croire à aucun leurre : État, gouvernement, droit, société, nation, peuple etc.) réussiront une telle mutation, difficile pour n’importe qui ? Nous pensons que nous avons devant nous des exemples encore vivants qui justifient une réponse négative et montrent quel est le maximum que l’Orient décongelé peut espérer : 1) Les états orientaux non - ou partiellement communistes, à cause uniquement de Yalta et non pas à cause de leur civilisation : la Grèce et la Yougoslavie, sur l'état desquelles cf. notre article “Corruptio Optimi Pessima” (VLT N° 38). 2) Chypre et le Liban Là, la méconnaissance de ce qui constitue une identité a pris des proportions telles que l'absence du congélateur mérité est purement due à la conjoncture. En tout cas, ces pays qui constituaient à plus d'un titre des exemples à suivre, ont voulu appliquer à la lettre la leçon occidentale de “ein Volk”, etc. Il est toujours bon qu'une illusion meure. Or, actuellement, ce n'est pas l'illusion communiste qui meure (aucun peuple de l’Orient n'y a longtemps cru), mais deux autres : 1) qu'un peuple - comme un personne - peut vivre sans tradition, sans civilisation propre, ou, à défaut, sans simulacre de civilisation propre (illusion orientale). 2) que le capitalisme est une panacée planétaire applicable n'importe où n'importe quand ; cette illusion est exactement la même que l’illusion communiste : un système soi-disant “objectif’ (“scientifique” même, purement technique), qui, en réglant l’économie et en excluant la civilisation, est censé combler tout le reste de façon, en quelque sorte, superfétatoire (illusion occidentale). Cette illusion tombée, quelle sera l'issue ? Un “retour à la tradition” est, on l'a dit, exclu. Il semble donc que le schéma suivi sera celui imposé par la phase cyclique en son ensemble : après la fermeture vers le haut (matérialisme, communisme), l'ouverture vers le bas : le lâchage des vieux démons que l’Occident a déjà sublimé sous une forme pseudo-spirituelle sera effectué à l'Est sous une forme crue. La naïveté de ceux qui croient que la matérialisation de l'Orient sous forme capitaliste réussira mieux que celle sous forme communiste est immense : ils ignorent la raison même pour laquelle le communisme a été imposé : qu’il constituait déjà un effort de ces pays pour s'occidentaliser ; sans en avoir les moyens historiques, spirituels (ou anti-spirituels, plutôt), économiques et culturels. Ils croient que si c’est seulement sous tutelle et financement ou exploitation occidentale, cela réussira. Loin de cela, il sera finalement prouvé et sans possibilité de leurre, que l’entreprise d’occidentalisation de la planète, déjà achevée mais invisible jusqu'à maintenant, a partout les mêmes effets destructifs et définitifs.

Après 1989, il est donc devenu impossible de ne pas voir ce qui déjà était vrai dès avant la Deuxième Guerre mondiale, (cet énorme “signe des temps” dont les résultats sont désormais tous annulés). Désormais, en Europe même (et non plus seulement en Asie ou au Moyen-Orient), les culs-de-sac irrésolubles nés de la destruction des traditions par l'Occident non-traditionnel, de la confrontation de vraies civilisations avec l’“objectivité” de la chosification financière, nous montreront immanquablement que l'accélération des temps de la fin est déjà effectuée. Il reste seulement la phase - déjà esquissée - de la fausse unification finale, dont parle l'Apocalypse. Si le destin des Orthodoxes est de montrer au-delà de toute possibilité d'illusion que la route suivie depuis le XIV e siècle par l'Europe et depuis 1945 par la planète est fausse, il aura servi de catalyseur à une prise de conscience lucide que nous souhaitons d'abord leur, et ensuite planétaire. 

EXHORTATION AUX LATINS (6) 


Parce que nous espérons, malgré tout, à la survie de la tradition chrétienne (extérieure, car l'intérieur ne court aucun danger), et parce que notre but n'est pas de chercher querelle aux « journalistes », entrepreneurs ou « nouveaux philosophes » occidentaux, mais bien de discuter avec des hommes que la métaphysique intéresse, ce sont ces derniers que nous prions de ne pas tomber dans les pièges de l'air du temps. Ils doivent se méfier des courants de pensée comme l’« évolien » qui, à l'instar de Tchaadaïev, suraccentue les vertus “saines” de la rustique Rome, - se méfiant globalement des Grecs - et des cultures de la “Lumière du Sud”, suraccentue le courant héroïque, etc. Ils peuvent se rappeler que l'Occident a besoin de l'Orient (du moins, en termes spirituels et non géographiques) et que, donc, le Christianisme romain a besoin de l’Orthodoxie. Si l’Orthodoxie (qui, selon l’expression d’un Orthodoxe, “attend sa propre Résurrection de parmi les morts” (3) en ce moment) n’arrive pas à se revitaliser - et elle peut le faire encore, à la différence, semblerait-il, du Catholicisme - alors le Christianisme exotérique aura vécu. Et ceci ne fera que rapprocher l’heure de la fin ; nul ne peut s’y opposer, bien sûr, et Dieu est plus savant, mais le devoir d’un fidèle et d’autant plus d’un “métaphysicien” est de s’y employer, pour ne pas faire partie de “ceux par qui le scandale arrive”. Paradoxe de notre temps : seul l’Orient orthodoxe pourrait encore opérer un redressement ; mais il a besoin pour cela et de la non-opposition de l’Occident et de son aide, du moins sous la forme d’avertissement et de miroir. La spiritualité orthodoxe existe, sous un état latent ; elle ne s’identifie pas à un marché pour produits religieux “bons pour l'Orient” manufacturés à bas prix à l’aide de machines à penser mortes depuis longtemps. Elle court de nouveau le risque, aujourd’hui, non-reconnue, de se retrouver acculée vers le pire dont est capable un peuple habitué à ne croire en rien d’extérieur, lorsque sa tradition lui est ôtée : le nihilisme le plus noir. Le remède à cet intermède de nihilisme que tous les peuples orthodoxes ont subi pour imiter l'Occident (qu’ils appellent avec révérence et crainte “l’Europe”) n’est pas un nihilisme plus démocratique, mais la redécouverte de ce qui reste vivant dans la tradition qu’ils avaient jadis transmise à cet Occident. Comme un tel retour n’est pas probable de façon absolument spontanée, il serait du devoir de l’Occident qui “mène” cette danse d’être un peu moins triomphaliste et un peu plus humble. Il pourrait ainsi jouer le rôle précieux d’un avertisseur de ce qui attend l’Orient et l’Est s’il fait les mêmes erreurs que lui ; de plus, l’Occident peut voir dans la décadence manifeste à l’Est à la fois ce qui lui est déjà arrivé une fois à lui-même, à un niveau spirituel, et ce qui risque de lui arriver de nouveau, à un niveau existentiel et, cette fois, terminal. 



Notes : 


(1) Christos Yannaras, Abécédaire de la foi, Athènes 1983 (en grec) ; une large partie de cet article est inspirée des idées développées par Yannaras dans ce livre. 
(2) Elie Lemoine, dans les Etudes Traditionnelles . 
(3) Ch. Yannaras, op. cil.
(4) E Sc/uion, Les Racines de la condition humaine. 
(5) Cf., par exemple, non pas les analyses de la “critique textuelle" biblique, mais ce qu’en dit Ch. A. Gilis, L'Enseignement et le mystère de R. Gué- non. 
(6) Pour faire écho à l Exhortation aux Grecs de Clément d’Alexandrie.

Nikos Vardhikas – Le Logos dans l’enseignement de Saint Maxime le Confesseur [Vers La Tradition (revue) nº119]

Saint Maxime vécut au VII e siècle, et doit son surnom au combat qu’il mena contre I ’hérésie monothélite, compromis inventé par l’Empereur pour rallier les monophysites (Coptes, Arméniens, Ethiopiens et Syriaques) à l’orthodoxie. Il voyagea beaucoup, y compris à Rome où le Pape le soutenait dans ce combat contre l’hérésie, et fut beaucoup persécuté. Mais c’est son œuvre théologique qui fait de lui un des plus grands auteurs de l’ésotérisme chrétien, avec St Denis dit l’Aréopagite (III e s.) et St Grégoire Palamas (XIV e s). Elle a été étudiée en Occident par le père Hans Urs von Baltasar dans la première moitié du XX e siècle, notamment dans son ouvrage La Liturgie cosmique. Elle est éditée dans la Patrologie Grecque de J.P. Migne, comme beaucoup d’ouvrages des Pères de l’Eglise - autant dire qu’elle est introuvable en dehors des bibliothèques spécialisées. Elle est restée peu connue, sinon (mais pas dans son intégralité) dans les pays orthodoxes à partir du XVIII e siècle, quand fut publiée la grande anthologie hésychaste appelée Philocalie ou Dobrotoliubie (en slavon et russe) 1 . La plupart de ces écrits ont la forme, habituelle chez les hésychastes, d’aphorismes plus ou moins courts, sans idée centrale particulière : centuries, chapitres, apories. L’expression du saint n’est pas des plus aisées et rappelle Héraclite à plus d’un titre. Saint Maxime a surtout développé la notion du logos. Celui-ci, dans le prologue de l’évangile de st Jean, est identifié à Jésus, tandis que le Credo parle seulement du fils unique de Dieu (huios monogénès ) ; la Liturgie le mentionne depuis que l’on y a inséré un hymne attribué à Justinien, en réponse à une hérésie 2 . Le mot a été rendu en latin par “verbum”; son sens le plus immédiat,en grec, est en effet “discours” ou “parole”, mais il possède plusieurs autres sens également valables (en grec, mais pas en latin). Ces autres sens sont pris en compte par l’ésotérisme chrétien et sont tout aussi iraditionnels que l’usage exotérique habituel. Saint Maxime fut l’un des Pères hésychastes qui se sont appliqués à lui rendre tous ses sens. Saint Maxime voit derrière chaque être et chaque chose dans le monde un logos particulier, prévu par Dieu, qui fait que cet être et cette chose (individuellement et collectivement) sont ce qu’elles sont. La source de tous les êtres et de l’Être est le logos de Dieu, ou plutôt le Dieu-/ogos : « Lorsque le logos suressentiel, créateur de tous les êtres, a voulu prendre l ’essence d ’une créature (lui seul sait comment), il prit sur lui et porta aussi les logoi physiques de tous les êtres, sensibles et intelligibles. Les logoi des êtres intelligibles sont, pourrait-on dire, le sang du logos ; et ceux des êtres sensibles, sa chair visible. Puisque c 'est le logos qui enseigne les logoi spirituels de tous les êtres, visibles et intelligibles, on peut déduire qu ’il donne à ceux qui en sont dignes, comme chair à manger, la connaissance profonde qui se trouve dans les logoi des êtres visibles; et comme sang à boire, la connaissance qui se trouve dans les logoi des êtres intelligibles. Ce genre de festin aux logoi avait aussi été préparé symboliquement [« mystiquement et de loin », dit le texte] par la Sagesse dans son cratère de victimes qu 'on lit dans les Proverbes (IX,2) » 3 . Cette récapitulation des logoi de tous les êtres dans la personne du logos incarné se réalise, selon le saint, à chaque Liturgie. Tous les êtres, ou plutôt leurs logoi, fonnent une pyramide dont le sommet est le logos incarné qui est leur créateur et dans lequel ils se “récapitulent” ou se résorbent. Cependant, cette résorption peut aussi opérer dans chacun d’eux, si l’initié réussit, selon les méthodes de l’ésotérisme chrétien, à s’identifier au sommet de la pyramide. Dans la deuxième étape, parmi les trois prévues par l’hésychasme dans la déification (épuration, illumination (ou connaissance) et union), saint Maxime distingue deux phases aux noms apparemment paradoxaux : philosophie pratique et vision (ou contemplation) naturelle 4 : « Avancer depuis les logoi des êtres particuliers vers les logoi universels, conduit à l’union entre eux des êtres séparés. Car les logoi des êtres particuliers sont inclus dans ceux des êtres plus universels, se trouvant en rapport naturel avec eux. Il existe donc un rapport (logos) qui lie spirituellement l’intellect avec les sens, le ciel avec la terre, les sensibles avec les intelligibles et la nature entière avec la raison (logos), qui permet leur union. » 5 « Depuis les [états] derniers qui sont loin de Dieu et proches de nous, nous montons, par étapes, vers les premiers qui sont loin de nous et proches de Dieu. Commençant par l’abstention craintive de faire le mal, nous venons à la pratique résolue du bien, puis au discernement intellectuel et ensuite à l’acquisition des vertus, c’est-à-dire à l’expérience profonde. Après vient la connaissance des logoi qui se cachent au fond des vertus, et sur la base de cette connaissance nous acquérons l’expérience transformatrice qui nous re-modèle selon les logoi des vertus. A partir de là, nous venons à la vision (contemplation) exacte de la vérité qui lie tout [à tout]. Ensuite, sur la base de la connaissance (vision sage) des essences visibles et intelligibles, nous pouvons formuler des nombreux et pieux discours (logoi) sur la vérité.» 6 D’après Saint Maxime, lorsqu’on parle en paraboles pour mieux donner à comprendre l’indicible, on incarne le logos ; et lorsqu’on est capable de parler des choses et des êtres tels qu’ils sont en réalité, alors on ressuscite le logos, on le sort de son “incarnation” dans les images quotidiennes, et l’exprime dans sa vérité. Il dit aussi que le logos apparaît à un saint seulement lorsque l’esprit de celui-ci s’est élevé au-delà de tout concept, de toute image, et de toute association. Rien qu’avec ces sentences de saint Maxime, on comprend que le sens du mot logos, deuxième personne de la Sainte Trinité et identifié au Christ Jésus, n’est pas celui de “parole”, ou verbum par lequel on le rend en latin. Pour correcte, évidente et traditionnelle que soit cette interprétation, elle reste limitée, c’est-à-dire exotérique, et ne recouvre pas tous les sens qu’ont voulu lui attribuer les Pères et, surtout, l’évangéliste Jean qui parle du logos dès la première phrase de son Evangile. Les autres sens de ce mot, simultanément existants en grec avec celui de “parole” (ou plutôt, “discours”), sont : raison, cause, logique, analogie- proportion, ordre des choses, plan. Il faut remarquer que le mot latin qui recouvre toutes ces connotations sauf celle de “parole”, serait ratio. Le logos divin, alors, serait en plus de la Parole de Dieu, aussi son plan pour l’Univers ou la Raison d’être de la Création, sa Volonté-Idée, sa façon d’être et celle qu’il a donné à tous les êtres 7 . Comment comprendre, donc, avec ce nouveau sens, l’Incarnation et la notion de “fils unique de Dieu” qui vint au monde pour racheter le péché ? Selon saint Maxime (et tous les Pères), la “rémission des péchés” dont il s’agit, sur le plan de l’humanité entière, c’est l’annulation des conséquences du Péché Originel, c’est-à-dire... de la manifestation toute entière, de la Création d’êtres séparés. L’apparition et l’œuvre du Christ est alors un rappel, une preuve et une démonstration d’une “vérité cachée - ou oubliée - depuis longtemps” : le dévoilement du Plan ou de l’Intention de Dieu depuis toujours, la Raison d’Etre de l’Univers (de la Création) : loin d’avoir voulu punir l’homme (ne parlons que de lui par commodité) pour sa “désobéissance”, Dieu a voulu rendre l’homme pareil à lui, immortel et déifié, tout en étant séparé de lui. C’est là l’œuvre du Christ Jésus : la Résurrection et l’octroi du Saint- Esprit à travers la manducation et la boisson de la “chair” et du “sang” du logos suressentiel ; sans la Résurrection, évidemment, il ne s’agirait que d’un souvenir “métaphorique”. Ce “Plan” de Dieu, son Intention dans la Création, est sa première et seule manifestation en “dehors” de lui-même : le logos est monogène (“unique-né”) et il est dans ce sens “le seul Fils” de Dieu. Jésus n’est pas le fils unique de Dieu dans un sens familial (adoptif, de filiation) ; ou plutôt nous le sommes tous, puisqu’il nous a demandé de nous adresser à Dieu en tant que “Notre Père” (comme le faisaient déjà les juifs), et qu’il disait : “Mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu” ; “qui m’a vu a vu le Père”, mais aussi “Mon Père est plus grand que moi”. Saint Jean ajoute : « Ceux qui l’ont reçu, il leur a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, ceux qui croient en son nom. Ceux-là ils ne sont pas nés du sang, ni du désir (volonté) de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » 8 . Cela rend bien compte de l’histoire sainte et des attributions traditionnelles à Jésus de la qualité d’incarnation du logos, ce qui n’est pas le cas avec l’acception “parole” ; celle-ci serait juste si l’œuvre de Jésus consistait en une nouvelle législation, mais c’est faux (ou, du moins, très insuffisant) dans le cas de l’œuvre de Jésus, tel que le comprennent et l’interprètent les Pères et surtout les représentants de l’ésotérisme chrétien et de l’hésy- chasme, dont l’un des plus grands fut Saint Maxime. Est-il possible que saint Jean l’évangéliste ait voulu écarter ces autres sens du mot logos , tels que les retrouvent les Pères, dont notre saint, au seul profit de “parole” (ou “discours”), qui est le plus évident ? Pourrait-on dire que son grec assez appauvri (ou celui de son greffier-traducteur Prochoros) soutient cette conception ? 

Cette hypothèse est à écarter, car s’il y avait un niveau de grec que les apôtres et les évangélistes maîtrisaient (et utilisaient) bien, c’était celui de la traduction grecque de l’Ancien Testament du III e s. avant J.C., dite Septante. Or, lorsque Jésus, répondant au Diable, cite Deutéronome 8,3 dans l’évangile de saint Matthieu 9 : / ' homme ne vit pas de pain seulement , mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu , la citation est prise des Septante et le mot “parole” n’est pas logos mais bien rhêrna , mot monosémantique qui sans conteste possible ne signifie que “parole” ou “discours” (verbum , donc). Si, donc, saint Jean avait voulu signifier ce sens, c’est ce mot qu’il aurait utilisé, bien disponible dans le vocabulaire habituel des apôtres et de leurs acolytes. Ce ne sont pas les Pères ultérieurs, ou seulement les hésychastes, qui ont voulu “ajouter” d’autres significations au mot logos , mais dès le début de la tradition chrétienne ce mot les entendait toutes. Un indice intéressant du fait que l’enseignement des Pères là-dessus était bien entendu et suivi, se trouve dans les Entretiens avec un musulman de l’Empereur Manuel II Paléologue 10 , du XIV e s. Dans ce texte, lorsque le lettré “Persan” (c’est-à-dire Turc) fait remarquer à l’Empereur que la Parole de Dieu correspond mieux au Coran qu’aux Evangiles, bien que le Christ soit appelé ainsi, l’Empereur fait une distinction entre les mots rhêrna et logos ; distinction qui serait intraduisible en latin. Pour l’Empereur, donc, le logos n’est pas contenu dans les Evangiles, car f œuvre du Christ ne consista pas surtout en une Parole, mais en une action : la Résurrection et donc la possibilité de transmission du Saint-Esprit. Le logos n’est donc pas que la Parole, et les Evangiles ne sont même pas censés le contenir autrement que comme des témoignages. Le mot logos , dans la philosophie grecque, était déjà connu avec les connotations que lui donne saint Jean en le rapportant au Christ et que développe saint Maxime, surtout par un autre Prologue (!), celui du livre (perdu) d’Héraclite. Rapprochement hardi et de deux contextes fort différents, diront certains. 

Certes, mais c’est saint Jean (et les Pères) qui l’ont fait ! Dans cet autre Prologue, Héraclite rend le logos cause première de tout ce qui arrive dans le monde. Et il ajoute : « Tout se passe selon ce logos , mais les gens semblent ne pas en avoir l’expérience... ce logos est commun à tous, bien que la plupart des gens vivent selon leur entendement individuel ». Mais aussi (fr. 50 et 72): « La sagesse consiste à convenir, non selon moi mais le logos, que tout est un. Ils s’opposent à ce logos avec lequel ils sont en contact étroit continuellement [et qui gouverne tout], et ce qu’ils rencontrent tous les jours leur paraît étranger à eux mêmes ». Et finalement, Héraclite, bien que considérant que « la pensée correcte (fronësis) est commune à tous » (fr 113) et que « tous sont capables de se connaître eux-mêmes et de penser sainement » (fr 116), considérait aussi, selon Sextus, que l’homme n’est pas un être raisonnable mais seul « son milieu » (toperiekhôn) l’est ; ou, selon Apollonius de Tyane, que « l’homme est un être qui n’a pas son logos par nature » u — ce qui rend Dieu seul responsable de la raison de l’homme. Le prologue de l’évangile selon saint Jean est trop connu pour qu’on le cite ici in extenso. Mais les rapprochements sont assez impressionnants: « Au commencement était le logos [...] il est venu dans le monde, le monde a été fait par lui, mais le monde ne l’a pas [rejconnu ». Par ce renvoi à une certaine philosophie grecque, celle des Mystères (orphiques, surtout), et particulièrement à Héraclite qui vivait 500 ans avant saint Jean dans la même ville d’Ephèse, celui-ci a sans doute voulu à la fois montrer que le mot logos ne signifie pas (que) Parole, se rallier à des prédécesseurs connus, et résoudre l’aporie à laquelle, faute de révélation ou sans la conception d’une influence spirituelle d’origine non-humaine (ce qu’Hé- raclite appellerait volontiers logos) qui puisse se transmettre, ils avaient aboutis. En posant que le logos est participable, que le logos fut incarné (et ressuscité) et qu’il transmit ainsi aux hommes vivants l’Esprit de Dieu, saint Jean posait la résolution de cette aporie et jetait les bases de l’ésotérisme chrétien, et même universel. Les chrétiens exotéristes, comme saint Clément évêque d’Alexandrie, par la suite, se sont moqués à la fois des Mystères et d’Héraclite, et ce sont eux qui privilégièrent la conception du logos en tant que seule Parole. Ils ont par contre fait grand cas d’un Aristotélisme compris comme un rationalisme vaguement déiste (le “moteur immobile”) ou du “Dieu des philosophes”. Ce sont les ésotéristes chrétiens, les hésychastes, qui n’ont jamais renoncé à exposer la vérité vécue de la participation et de la déification qui ont à plusieurs reprises revivifié les conceptions traditionnelles, dont saint Maxime (avec saint Denis dit l’Aréopagite-IIP siècle, saint Syméon dit Nouveau Théologien-XI c s., saint Grégoire Palamas-XIV c s. et saints Nico- dème dit l’Hagiorite avec Païssi Vélitchkovski-XVII c /XIX e s.) est l’une des plus grandes figures. 

1 Venise 1782 ; dernière édition française : Abbaye de Bellefontaine, 2004, 2 vol.
2. Hymne “ Ho monogénès huios". Dans la tradition coranique, le verbe se dit kalima : « mot, parole ; verbe », et le Christ, en tant que Verbe divin, est appelé « verbe d’Allâh (kalimatu-Llâh) ». 
3 . A Thalassios,35 (PG 90,377B). C’est ici la base des travaux du père von Baltasar.
4. Praktikè philosofia, Fusikè théôria. 
5. Chapitres Divers IV, 64 (Philocalie t. 2, p. 119). 
6. Chapitres Divers V, 40 (Philocalie t. 2, p. 134). NB : les renvois à la Philocalie sont ceux de la dernière édition grecque, Athènes, 1984.
7. Que le lecteur se rassure ; nous ne citerons plus les maximes du saint, mais nous sommes toujours, comme dans le reste du texte, dans l’explication traditionnelle de sa pensée.
8 .Jn 1,12.
9. Mt 4,4. 
10. C’est un paragraphe de ce texte que le Pape avait malencontreusement cité dans son discours de Ratisbonne. Collection “Sources chrétiennes”, Cerf, Paris 1966.
11. Alogon einai kata fusin ton anthrôpon.

Nikos Vardhikas – Laide de l’Islam et ses limites [Vers La Tradition (revue) nº79]

Personne n’est à l’abri, lorsqu’il est mû par un enthousiasme légitime de néophyte, de l'erreur qui consiste en l’absolutisation du relatif. C’est pour parer à cette éventualité que nous nous proposons d’examiner ici la vieille question de «l’aide» orientale éventuelle à l’Occident, vécue aujourd’hui surtout comme la question du passage des européens à l’Islam que certains prônent comme seule solution spirituelle pour l’Europe, forts du précédent que constitue pour eux le cas personnel de René Guénon et de la position dernière de l’Islam dans la succession temporelle des révélations, à laquelle ils donnent un sens exclusivement spirituel. Il y en a qui parlent, par exemple, «de l’excellence du Vendredi» en tant que sixième jour, oubliant ou ignorant tout ce que l’on peut dire (1) du «huitième et premier jour». Cela ne diffère en rien de l’exclusivisme chrétien bien connu, basé sur une compréhension exotérique, sinon blasphématoire, de la notion du «Fils de Dieu». Parce que ce n’est pas ainsi que l’on peut «aider» ceux qui sont dans le besoin, quelques précisions nous paraissent de mise. Lorsque parut l’Islam, le christianisme était encore en pleine expansion : — les Germains et les Slaves n’avaient pas encore, en Europe, été convertis — saint Maxime le Confesseur, saint Jean Damascène, saint Syméon Nouveau Théologien, saint Grégoire Palamas et l’hésy- chasme tel qu’on le connaît aujourd’hui n’avaient pas encore fleuri 1 — l’Empire romain chrétien, alors sous Héraclius, n’avait pas encore été contesté ni vécu son âge d’or. Dernière révélation monothéiste et aussi universelle que le christianisme, l’Islam qui convertit en un temps record des réfractaires (2) qui se plaignaient de ne pas avoir eu de révélation adressée à eux et dans leur langue (ainsi que les hérétiques chrétiens et les dualistes du Moyen-Orient), confirme et tolère les révélations antérieures, fait assez singulier pour être admis en tant que preuve de son origine divine. Cela est très loin de signifier aussi qu’il fut suscité dans le but (3) exprès de les absorber, corriger, annuler et remplacer (et cela, en tout état de cause et, notamment, quel que soit leur état spirituel). Selon Michel Valsân («Le coffret d’Héraclius»), du vivant du Prophète l’Empire Romain Chrétien fut «confirmé» et l’Empire Persan «condamné». Les corrections explicites apportées dans le Coran (4) au christianisme, à qui il prête les hérésies d’incarnationnisme et d’associatio- nisme, concernent d’ailleurs une forme manifestement hérétique de celui-ci et excommuniée par lui. Abu-Hamid Muhammad al- Ghazali, cependant, dans La perle précieuse (5) , généralise ces accusations, puisqu’il donne le dialogue du Coran 5, 116 comme raison évoquée par Jésus lors du Jugement Dernier pour son incapacité d’intercéder auprès de Dieu pour les hommes !

Le retour de ces hérétiques ainsi que de la Perse (bien que sous la forme «adaptée» par celle-ci du chiisme) à la hanifiyya ou pureté monothéiste originelle fut incontestablement un bienfait spirituel de portée universelle. Mais cela ne signifie pas qu’une conversion du christianisme en général était forcément dans les desseins de la Providence lors de la genèse de l’Islam. Une chose est de constater qu’à notre époque la plus grande partie des chrétiens semble avoir oublié les données mêmes de sa tradition et que, par contre, la plus grande partie des musulmans semble encore se souvenir de celles de la sienne ; c’en est une autre que de considérer que c’est là l’état normal des choses et que toute tradition postérieure est aussi et forcément «meilleure» ou plus complète que les précédentes qui se voient ipso facto reléguées au rayon des obsolescences. Lorsqu’on affirme de plus, comme il arrive à certains musulmans de le faire, que tout «retour en arrière» entre formes traditionnelles orthodoxes et vivantes constitue une anomalie abhorrée de Dieu, on finit par ériger en principe une situation de fait et cela constitue une espèce de «darwinisme religieux» qui, sous prétexte d’interpréter la Providence, en réalité la juge. Aucune tradition, tant qu’elle est encore vraiment vivante n’est totalement et irrémédiablement dépourvue de la possibilité d’être complète ; non seulement «les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle» (6) , mais elle doit forcément contenir quelque part en elle toutes les forces qu’elle avait à ses origines, même si elles paraissent occultées. Malheureusement, dans le cas du christianisme on a limité cette recherche (aux bons résultats de laquelle R. Guénon n’a jamais cessé d’espérer) à la forme que celui-ci prit dans le seul Occident. Or, l’Orthodoxie à laquelle on s’accorde pour reconnaître des possibilités spirituelles vivantes n’est pourtant pas une religion autre que le Catholicisme. Elle constitue une autre Église chrétienne, prétendant comme lui être la vraie communauté visible du Christ. Evidemment, seule une de ces deux Eglises a raison dans cette prétention en l’état actuel des choses où la communion est rompue à cause de différences dogmatiques et rituelles ; mais le fait reste que tout ce qui vaut pour l’Orthodoxie vaut aussi, quoique virtuellement et conditionnellement, aussi pour le Catholicisme (7) . La séparation providentielle fait que l’une des deux parties a pu rester fidèle au dépôt commun des origines, auquel l’autre peut théoriquement à tout moment revenir, si Dieu le veut. De plus, l’Orthodoxie n’est plus tellement inaccessible en Occident, y compris pour ce qui est de l’hésychasme, et peut ainsi jouer un double rôle : — de «mémoire vivante des origines et ferment particulièrement efficace pour la recomposition spirituelle de l’Europe» (8) — de dernier recours d’accueil des chrétiens d’Occident qui ne pourraient ou ne voudraient changer de forme traditionnelle mais seraient au même temps lassés ou manqueraient de temps humain pour attendre le rapprochement des deux confessions dans le temps divin. En effet, les événements, tragiques pour l’Orthodoxie, de ce siècle ont eu comme contrepartie une présence accrue d’orthodoxes en Occident ; peut-être est-ce là une des ruses de Dieu qui «exploite» les malheurs tissés par les hommes pour en tirer quelque chose de bon : coup d’état bolchévique, expulsion des Grecs d’Asie Mineure, paupérisation des Balkans après la chute du communisme, mais aussi entrée de la Grèce à la Communauté Européenne... Nous n’entendons pas par là que le passage à une autre forme traditionnelle est impossible, ou forcément spirituellement néfaste. Au contraire, il est essentiel que des personnes qui, dans l’anarchie de ce Kali-Yuga finissant, se trouvent peut-être «emprisonnées» dans leur tradition d’origine puissent l’effectuer, surtout si la «nouvelle» forme leur donne plus de possibilités d’épanouissement spirituel que «l’ancienne». Mais cela signifie aussi que ce ne saurait être là une «recette» générale, que cela ne saurait que rester individuel (9) et, surtout, que cela ne saurait relever d’une donnée ou principe métaphysique, c’est-à-dire constituer une loi. Nous sommes reconnaissants du fait que l’Islam garde encore son volet ésotérique intact et qu’il est présent, lui aussi, en Europe à notre époque pour permettre de tels passages et pour jouer un rôle d’aiguillon, exactement comme l’œuvre de R. Guénon et en analogie avec le rôle que nous avons attribué à l’Orthodoxie. Mais nous devons aussi souhaiter et même en premier lieu, que l’Europe puisse s’approcher de nouveau de ses propres racines Orthodoxes. Les musulmans d’Europe et, parmi eux, les cas forcément exceptionnels (dans le sens d’une vocation exceptionnelle) de ceux qui sont d’origine chrétienne, devraient eux aussi souhaiter une telle évolution si ce n’est la promouvoir, à travers la connaissance et la force que leur donne le côté ésotérique encore vivant de leur tradition d’adoption pour peu, bien-sûr, qu’ils l’aient réalisé. Ceux qui pensent encore que l’Orient (spirituel) peut «aider» l’Occident, ne doivent pas chercher à aller plus loin que ce rappel, qui «est déjà beaucoup». Ignorer cette forme d’«aiguillonnage» à la faveur d’un effort exclusif d’augmenter les passages à l’Islam risquerait (étant donné que nous parlons là du cas de peuples entiers et non de cas personnels) d’augmenter la confusion spirituelle des occidentaux et, par là, le risque d’engouffrement de forces psychiques difficilement maîtrisables ; sans parler du côté inévitablement prosélyte qu’une telle démarche devra assumer, avec tout ce que cela comporte de risques de passer à côté de l’essentiel et de tomber, pour la multitude, dans toutes les hérésies bien intentionnées que peut générer l’exotisme inévitable de la démarche. Si les musulmans en Europe et d’Europe veulent «aider» l’Occident au delà de la possibilité (pour certains) et de l’exemple (pour tous) que constitue leur présence en son sein, alors ils devraient sérieusement prendre en considération le fait que seul le retour des européens à leurs propres racines peut durablement aider ces derniers, et aboutir à ce que l’on puisse tous ensemble nous soumettre à Dieu sous les meilleurs conditions, sans que personne n’ait eu besoin de «se convertir à quoi que ce soit», et cela que nous ayions changé de voie ou non. Les passages «collectifs» à l’Islam ne peuvent conduire qu’à un échec collectif, pour les mêmes raisons qui ont conduit l’Europe à l’altération puis à l’abandon de sa propre tradition. C’est un changement mentalitaire qu’il faudrait, non un changement de voie avec la même mentalité ; les mêmes causes donneront les mêmes effets. Si l’on ne comprend pas cela, on impute à la tradition les erreurs des hommes (10) . Et cela, Dieu ne le veut certainement pas. 

NOTES : 

1) Et qu ’on a dit, par exemple saint Basile le Grand. 
2) Cf. par exemple, Coran 19,97 ; 46,12 ; 44,58. 
3) Nous nous demandons bien si c ’est là le but ; que l ’Islam puisse faire cela est certain, et peut-être providentiel aussi, en cas de tel besoin. 
4) 5,17 ; 5,72 ; 9,30 ; 4,171 ; 5,116 contient le dialogue de Jésus à Dieu : astu dit aux hommes «tenez-nous, ma mère et moi, pour deux dieux à la place de Dieu»? 
5) Durrat al-fakhira. 
6) Mt 16,18. 
7) Mais pas pour le protestantisme (avec la possible mais improbable exception de l’anglicanisme) qui, ne se contentant pas d’innovations, a aussi rompu la succession apostolique. 
8) Placide Deseille, Divergences et convergences entre la Tradition orthodoxe et la Tradition occidentale, Monastère Saint-Antoine-le-Grand, 1995. 
9) De même que R. Guénon n’avait pas de «disciples», de même il ne conseillait à personne de suivre son exemple personnel.
10) C’est là une pierre d’achoppement : seule l’Orthodoxie considère que le christianisme occidental a innové et seule elle peut identifier les erreurs. Schuon pensait que «l Église» ne peut pas se tromper et Guénon supposait (mais avec l’honnêteté intellectuelle — c’est-à-dire, enfin de compte, la connaissance — qui le caractérisait) que rien d’essentiel n’avait été altéré dans «les rites, les dogmes et les actes de l’Église», comme dit la renonciation exigée d ’un Catholique lors d ’un retour à l ’Orthodoxie. N.B. : L’attitude des Orthodoxes envers les Catholiques choque souvent ces derniers ; en somme, c ’est la même qu 'ils adoptent, eux, envers les Protestants : ils ont innové et altéré, ce sont donc des hérétiques. En général, c ’est une attitude injuste en ce qu ’elle oublie la possibilité latente de retour que possède le catholicisme. Ce qui la renforce c’est l’insistence avec laquelle la hiérarchie Catholique affirme que l ’orthodoxie ne tient pas aux dogmes et rites, mais uniquement dans le fait d’être ou non en communion avec elle, indépendamment de ces critères (cfi le cas des Uniates). L’expression «monstre biscornu de Rome» (VLT 78) provient de Saint Nicodème de l ’Athos au 18 è siècle, le compilateur aussi bien du Droit Canon (Pêdalion) que de la Philocalie (cette anthologie des écrits hésychastes qui causa, entre autres, le renouveau d’Optino en Russie) ; elle provient donc d’un connaisseur du volet ésotérique de sa tradition et non d’un fanatique quelconque. L’expression se réfère au cumul des deux pouvoirs en la personne d’un ecclésiastique ; Dante, nous semble-t-il, l ’aurait reconnue sans problème.

quinta-feira, 12 de março de 2020

Original Sin - The Difference Between the Roman Catholic and Orthodox Views

The difference between the Orthodox and Roman Catholic doctrines of original sin developed from the Latin translation of Romans 5;12, The Augustinian teaching is based on the Latin “in quo omnia peccaverunt” or “in whom all have sinned” as opposed to the Greek original, “in that” or “because all have sinned.” The former implies a personal guilt of the entire human race. While Roman Catholics and Protestants may differ on how the guilt is transmitted, the end result is the same according to those who believe in the doctrine of original sin. According to this doctrine all people are personally guilty unto damnation. This single presupposition has set a particular context for most of Western theology. Belief determines action.For many this determines what Christian life is all about: it is why people go to church and why congregants receive the Holy Sacraments because, in the end for many, these acts are done to make up to God and be cleansed from the stain of original sin. From this mind set arose the doctrines of indulgences, acts of supererogation and merits, the Tridentine version of the teaching in which this guilt is passed on through sex, the Immaculate Conception, and the idea (confusion from the Orthodox view)among Roman Catholics about the Assumption of the Theotokos. Devotional prayers like Salve Regina and acts of reparation before the Blessed Sacrament reflect a aspirituality based on the presupposition of personal guilt for Adam’s transgression and consequential damnation – and the hope that if one is good enough – with proper behavior before God, proper contriteness and appreciation of His mercy, one might escape the eternal torment of Hell that everyone deserves just for having been born adescendant of Adam.


The Orthodox Church affirms that we have inherited not Adam’s guilt, but the full consequences of his sin. A suitable analogy is a baby born to a drug-addicted mother. The baby is not guilty of drug abuse but he or she bears in the body, as well a sin the environment, the consequences of the mother’s addiction. The baby will be physically impaired and will live in an environment that inclines toward following the path of addiction; so likewise, we bear in our bodies the consequence of illness and death and in our environments the myriad of temptations we face. We absolutely require the grace of God to overcome sin and its effects. We may affirm the Orthodox doctrine of synergy, but the doctrine of synergy does not deny the absolute need for God’s part in that synergy.

Virtue is personal and not natural, which is why for the Orthodox, there is no inherited guilt. Sin is personal and not natural. Consequently, there can’t be anyone created virtuous. Hence Paul states, “for all have sinned and fallen short of the GLORY of God.” cxii

The Orthodox do not agree on the Prelapsarian condition with Scholasticism,because they reject all the implications that accompany the donum superadditum and affirm that Mary, the mother of Jesus, inherited death just like all people have, and therefore she inherited Ancestral Sin. Orthodoxy affirms in her liturgy that Mary died.Mary inherited Ancestral Sin, because she died, since that is what Ancestral Sin is. Ancestral Sin is death rather than imputed guilt (as in the Reformed view) or inherited guilt (as in Augustinism) for what Adam did. The Holy Scriptures state that death came from one man, and that it reigns now in us. cxiii

God is generally considered the author of whatever good will humanity has,since we have received all we have and are ultimately from God alone. Nothing at all would exist unless it existed in whom it is found. However, it is problematic if in that way one could also say that we should also attribute to God our bad will, because it could not exist in a human being, unless the human being existed in whom it is found.God is the author of the existence of the human being. Thus, one would have to credit God with being the author of this bad will too, since it could not exist if it did not have a human being in which to exist. But this presents a serious problem relative to the image of God in most theological viewpoints.

Augustine’s teachings have fundamental importance in Western theology but the East never accepted his grace theology or anthropology which led to doctrines such as the Immaculate Conception, Limbo, merit, free will, and original sin resulting in even fundamental doctrines such as Soteriology being very differently understood. John Cassian and John Chrysostom both took exception to it and yet medieval Catholic theologians classified both Cassian and Benedict as drifting to “semi-Pelagianism”.

The centralization of authority in the hands of the papacy was not taught by the Roman Catholic Church or the papacy itself until the early Middle Ages. In the Eastern Roman Empire that shaped the Orthodox East, the factor that held the Church together was common faith, not any one patriarchate. The separation of Rome and the Orthodox East was a terrible thing, but it did not change the basic structure of the Church which has always been conciliar. To the Orthodox, it is quite possible to have an authentic ecclesiastical life without scholasticism, thomism, anselmian “atonement’theology, “reform theology, and the like. 

The possibility of sin itself comes from the lack of virtue since virtue is attained through habituation. It is the individual’s personal use of will in deliberating between real and apparent good that makes sin possible. This mode of willing which leads to sin is not essential to human nature and Jesus Christ doesn’t have it as a part of his character. Corruption is natural but sin is personal. Natures don’t sin but individual persons do.

Augustine articulated this as the absence of justice in the soul, and his position was that concupiscence is just the material element that is the evidence of its existence in every single person. Without justice one cannot have communion with God and stand righteous before him. The absence of justice in the soul indicates a personal turning away from God.

From an Orthodox perspective justice is a virtue and virtues are gained through habituation. Adam is created holy and good but the road to theosis cxiv is open before him. (All of nature is good even without justice for example.) Adam simply doesn’t have the virtues that result from habituated obedience yet for obvious reasons.

Augustine’s position is that concupiscence is an immoral lust or desire. But the East Church tends to see desire as not immoral or an unstable element in the“matter” of human nature. For the Eastern mindset, desire is part of nature and is thus good. It is the personal employment and vicious enslavement of the person to their desires out of a fear of death that makes those desires sinful in their employment. Of itself, desire is naturally and metaphysically good. In viewing concupiscence as in and of itself immoral, Augustine is mistaken according to the Eastern view. What he takes to be “lust,” the Eastern Church takes more generally to be natural desires and what is natural is not opposed to God. Augustine is aware of different uses of the term but he takes the Scriptural use to be negative.

With regard to inherited guilt, within the Augustinian position it is difficult conceptually to explain how inherited guilt in children can be personal. Natures are inherited and it is easy to explain how one can have an inherited corrupt or disordered nature, which in and of itself is still metaphysically good but this doesn’t explain how personal guilt is transmitted or inherited.

For Orthodoxy, what a person is as well as individual ability or inability to sin depends on the personal employment of the individual will and the presence or absence of virtue.


Original Sin and Ancestral Sin-Comparative Doctrines - James DeFrancisco

* * *

The following is found in a note in the article The Theology of Original Sin Based on ΕΦ ‘Ω and Romans 5.12 in the Light of Historical and Grammatical Research by Jason G. Andersen


Weaver wrote a comprehensive study of the understanding of Romans 5.12 among the Greek fathers. In summary of his nearly 80 pages of research, the Greek fathers had differences with the Augustinian interpretation of Romans 5.12. Much has to do with how Adam, sin, death, and humanity are interrelated. He lists two main ideas present in the Greek fathers: First, humanity inherited a doctrine of passions, which is the immediate doctrine of sinful behavior, and second, there is an explicit rejection of an inheritance of guilt. This is in contraposition to the Augustinian, Latin interpretations, which have influenced the majority of western Christianity who have traditionally had some understanding of an inheritance of guilt from Adam. Along with these premises, Weaver notes that some of the Greek authors “write of death as if it were the cause of sin.” This also is in strict contraposition to Augustine’s view that we all sinned in or because of Adam and therefore fell into death. Weaver says of Athanasius, “There is an inheritance of corruption and death and moral debilitation stemming from Adam’s sin but no doctrine of original sin.” 


The following is found in a note in the book Reforming Theological Anthropology by F. LeRon Shults

In a three-part series of articles, David Weaver offers an exhaustive treatment of this issue in Eastern Orthodox theology. He concludes that it is inaccurate to apply the term originale peccatum to the Greek-speaking theologians, since it represents a Western concept. "The most critical point of departure is the absence among the Greeks of any notion of inherited culpability — i.e., inherited guilt, which was the central point of the Latin doctrine and which made humanity's inheritance from Adam truly sin, unequivocally a sin of nature, which rendered the individual hateful to God and condemned him to eternal damnation prior to any independent, willful act." For the East, we may have inherited mortality from Adam, but not guilt. Cf. Weaver, "From Paul to Augustine: Romans 5:12 in Early Christian Exegesis," SVTQ 27, no. 3 (1983): 187 (part l). For extensive quotes from Greek fathers repudiating the Latin theory, see Weaver, "The Exegesis of Romans 5:12 Among the Greek Fathers and Its Implications for the Doctrine of Original Sin: The 5th-12th Centuries." SVTQ no. 2 (1983): 133-59 (part II); 29, no. 3 (1985): 231-57 (part III).


terça-feira, 18 de fevereiro de 2020

There is only a single subject referent in all the incarnate acts, this personal subject is none other than the eternal Word of God.



Jesus Christ is one divine person who took on human nature. If one says Christ is both a human person and a divine person this is a form of nestorianism. One person and two natures is the correct phraseology. His human nature was created, but he is not a human person. If His hypostasis is called "composite" after the Incarnation that is not because He is now a divine-human Person but because now there is, in His Person, two natures. So, its a composite hypostasis on the level of nature not in the level of hypostasis. The human nature is enhypostatized in Christ's hypostasis.

All Orthodox affirm with Chalcedon a single hypostasis. J.H. accepts no language other than divine-human hypostasis. That there is a composition in the hypostasis of Christ, there is no doubt: He is God and Man, passable and impassive, mortal and immortal, and so on, according to the attributes of both natures. The term "divine-human" - theantropikos, theandrikos - was used, among the Fathers, not in relation to the hypostasis, but in relation to theanthropic energies or activity. 

J.H. later realized the confusion that his statement "[Jesus] is a human person" caused and then tried to clarify his previous post yet he continued to affirm that Christ is a divine-human hypostasis:




Let us take a look at what Fr. John Anthony McGuckin has to say in his book "Saint Cyril of Alexandria and the Christological Controversy":
In the text of the letter there is no direct reference to Constantinople or the Nestorian affair but it is undoubtedly in Cyril's mind for he uses the occasion to affirm the reality of the manhood of Christ but insists on the singleness of his divine personality—the classical and orthodox Alexandrian position from which he will not move an inch in all his subsequent theologising. In the Paschal Homily 17 he takes care to apply the title Meter Theou (a synonym of Theotokos) to demonstrate his point.

J.H.- and those who sided with him - affirmed precisely Nestorius' argument: every nature must be hypostatised:
On the corresponding semantic rules it followed that any real existent had to be hypostatised, and here opened up the real chasm between Cyril's way of thinking and that of Nestorius. The former saw that there could only be one hypostatic reality in Christ, if indeed Christ was to be one (though he meant hypostasis to bear the weight of subject-centre) whereas the latter followed the logical thread more rigidly and argued that every ousia had to be hypostatised separately. [...] Although Cyril would agree that all natures must be hypostatised he did not agree that this meant Christ must therefore have two hypostases. For him the whole point of the argument was that the two natures were not separate independent realities, and thus were both realised, in the one Christ, by one hypostasis. The use of mono-hypostatic language eventually won the day, but it took the next generation, at Chalcedon, to spell the argument out in the technical terms: Two natures (divine and human), one hypostasis (divine) in the one Christ.

Again, the Divine Hypostasis of the Word of God was the single personal subject:
Cyril uses hypostasis largely in the newer sense to describe the manner of the union in Christ. He says frequently, for example, that the union took place `Kath Hypostasin': hypostatically, or on the basis of a hypostatic level. What he means by this is to stress that the union of God and man in Christ is properly understood to have been effected precisely because it was a single individual subject (the hypostasis: God the Word) who realised the union of two different realities (divinity and humanity) by standing as the sole personal subject of both. 

Again, J.H. used the same argument of Nestorius: Christ human nature must have its own hypostasis otherwise its not a real but only notional. 
[Nestorius] studiously avoided using the form hypostasis to describe the christological union, in direct criticism of Cyril's preferred language. When Nestorius did speak of the term it was only to make two points: firstly that the word was highly 'physical' in its associated meanings and utterly inappropriate for use in the christology debate since it could suggest an organic or chemical model of union; and secondly that any ousia without a hypostasis of its own would, therefore, not be a real existent. The latter point was a significant attack on Cyril who had argued that Christ's humanity did not have a corresponding human hypostasis of its own (and thus Christ was not an individual man, rather God the Word enfleshed). Cyril saw this argument as crucial in defending the single subjectivity of the incarnate Lord; Nestorius attacked it on the logico-semantic grounds that if Christ's humanity did not have its own hypostasis then that humanity was only notional, not real. Whereas Nestorius demanded logical exactitude in the theological exchange, Cyril preferred to defend an intuited principle of single subjectivity regardless of the strains his varied use of technical terms placed on his hearers or upon logic itself.  

Now, a excerpt of Fr. John Anthony McGuckin on Nestorius' Christology. Note the resemblance of his Christology and that promoted by J.H:

For Nestorius, the terms Christ, Son or Lord, were thus the correct titles to connote the faith experience of the oneness of the incarnate Saviour. These terms alone were the proper designation of the 'prosopon of union'—that observable phenomenon of the one reality of Christ in whom was also experienced the reality of a single human life (the prosopon of Jesus) and the very presence of the Godhead (the prosopon of the Logos); thus two realities.  
Central to the coherence of Nestorius' thought was his belief that all christological thinking should always begin from this concrete experience the church has of Christ in his double reality. He felt that christology ought never to begin with the man Jesus (which would lead to Adoptionism) or with the divine Logos (which would lead to Docetism or Apollinarism). He complained, for example, that Cyril began the whole doctrinal process from the wrong premise and consequently deduced fallacious results:  
"You start your account with the creator of the natures and not with the prosopon of union. It is not the Logos who has become two-fold, it is the one Lord Jesus Christ who is two-fold in his natures. In him are seen all the characteristics of the divine Logos who has an eternal, impassible, and immortal nature, and all the characteristics of the manhood which is mortal, passible, and created, and lastly those of the union and the incarnation."  
To begin the christological process from any other starting point than the Christ who stands before the eyes of faith as God's unique statement of what the concrete realisation of 'divine' means is, for Nestorius, tantamount to disregarding the whole economy of salvation. But if one starts one's doctrine from Christ, he insists, then the principal lesson learned should be the sense of abiding distinctness in the one Christ's revelation of the divine, and his revelation of the human.  
In so far as a prosopon signifies 'observable aspect' or 'communicable external appearance' then perhaps we can sum up Nestorius' position so far as follows: The eyes of faith recognise in Christ two clearly observed aspects of his reality, which signify to the beholder divinity as well as humanity. Christ, therefore, has two prosopa. At the same time the eyes of faith recognise that this Christ who has two prosopa is not the same as those prosopa themselves. In other words Christ is not the Logos as such. It would be bad theology, for Nestorius, to speak of the pre-existent Christ, since he is not eternal as the Logos is. Nor would it be right to make unqualified statements about the impassibility of Christ since the radical qualification of human limitations and sufferings is an integral part of what the mind understands by the word 'Christ'.  
But in just the same way as the Logos is not synonymous with Christ, neither is the man Jesus of Nazareth. Christ, for Nestorius, was no mere man. The word connotes far more than the term 'the man Jesus'; in fact it connotes the whole mystery of the intimate relationship of this man with the divine Logos, and the union of the Logos with him. Christ is not only a word for the union of these two prosopic realities, it is also the concrete experience, in some way, of how that union has taken place, how it is to be conceived, and how it ought to be articulated by the church. The term Christ signifies the experience of the encounter with this unique composite figure of the Son of God. In the light of this it is not enough merely to insist that there are two prosopa in Christ, because the experience of the unique revelation of Christ calls for the confession that here there is also the `prosopon of union' the one Christ who manifests in a single prosopon (observable reality) the differentiated prosopa of the divine Logos, and the human Jesus. There are two prosopa, and there is one prosopon. This is why the starting point of one's consideration is all-important. If one begins always with the concrete experience of the incarnate Christ, the paradox is solved: the one is revealed as two-fold. The awareness of the double nature, however, is secondary to the experience of the actual oneness of the incarnate Christ, and is only arrived at by deduction from that oneness.
[...]
 Now, a excerpt on St. Cyril's Christology.
This was the natural result of Cyril's theology of hypostatic union-the human nature did not have its own human hypostasis, and was thus not a separate human entity (the man Jesus), simply the human nature of the divine Word; and the Word hypostansed it.
[...]
The nature is, therefore, not conceived as an independently acting dynamic (a distinct human person who self-activates) but as the manner of action of an independent and omnipotent power—that of the Logos; and to the Logos alone can be attributed the authorship of, and responsibility for, all its actions. This last principle is the flagship of Cyril's whole argument. There can only be one creative subject, one personal reality, in the incarnate Lord; and that subject is the divine Logos who has made a human nature his own. Equally, however, the incamated Logos cannot be sensibly understood purely in terms of his own 'proper' divine characteristics (as he would be before the incarnation) since he is now the Logos-acting-in-the-flesh, and in accordance with the conditions of the flesh which he willingly assumed, precisely to make use of those capabilities directly. In other words, for Cyril the Logos did not simply assume a body, as Apollinaris imagined, he assumed a human life and all the relativised conditions that are applicable to that. Cyril constantly reminds his readers that in christology one must not speak of the Logos as `Gymnos' (ie. naked, in his divine characteristics) but as `Sesarkomene' (enfleshed). The subject is unchanged, the divine Logos, but that subject now expresses the characteristics of his divinely powerful condition in and through the medium of a passible and fragile condition. Cyril, by preference calls this economy a Kenosis or self emptying, following the terms of Philippians 2.6-11, a central text in the debate.
[...]
In the first place [St. Cyril] holds fast to the primary proposition that there is only a single subject referent in all the incarnate acts, in all the psychic and intellectual life of the incarnate Lord, and that this personal subject is none other than the eternal Word of God. For him, this primary principle had to be defended against the very suspicion of any compromise, and he did so throughout his life however many paradoxes necessarily had to be invoked to keep it intact. This determined focus explains all his theological motivation. 
Excerpt From Byzantine Theology by John Meyendorff:
In Christ, the union of the two natures is hypostatic: they "concur into one person [prosopon] and one hypostasis," according to the Fathers of Chalcedon. The controversies which arose from the Chalcedonian formula led to further definitions of the meaning of the term hypostasis. While Chalcedon had insisted that Christ was indeed one in His personal identity, it did not clearly specify that the term hypostasis, used to designate this identity, also designated the hypostasis of the pre-existing Logos. The anti-Chalcedonian opposition in the East so built its entire argument around this point that Byzantine Christology of the age of Justinian committed itself very strongly to excluding that interpretation of Chalcedon which would have considered the "prosopon, or hypostasis," mentioned in the definition as simply the "prosopon of union" of the old Antiochian School., the new synthetic reality resulting from the union of the two natures. It affirmed, on the contrary, following Cyril of Alexandria, that Christ's unique hypostasis is the pre-existing hypostasis of the Logos; that is, that the term is used in Christology with exactly the same meaning as in the Trinitarian theology of the Cappadocian Fathers: one of the three eternal hypostases of the Trinity "took flesh," while remaining essentially the same in its divinity. The hypostasis of Christ, therefore, pre-existed in its divinity, but it acquired humanity by the Virgin Mary.


sexta-feira, 14 de fevereiro de 2020

Maximus Confessor: precursor of Thomas Aquinas or of Gregory Palamas?

I. The Ontological Aspect: The Objects of Free Choice in the Eschaton and Their Properties

A. In contradistinction to Plotinus and Origen, there is no ontological identity and mutual equivalence of the categories of Essence, Will, and Energy. Rather, St. Maximus distinguishes three categories. These are Person, Energy, and Essence. These categories are not mere conventions of speech for St. Maximus, but rather correspond to distinct metaphysical realities. They are not therefore each names for the same, absolutely simple "Something." Thus, while God is simple, this simplicity is not to be understood along the lines of the definitional model of simplicity, where the term functions as a great metaphysical "equals" (=) sign. There is in God a real plurality, different kinds of eternity and infinity. In particular, the One Logos is many logoi, and these logoi are in fact divine energies, each eternal, each infinite, each fully and equally good and divine, each distinct from any other, and yet each in no way divided or separated from each other. Logically speaking, this is an extension of the principle of Cyrillic Chalcedonianism, where the christological terms of the Chalcedonian definition may be used in confessions of triadology, and vice-versa. Thus, while the adjectives "unconfused" and "unseparated" were originally used of the relations between deity and humanity in Christ, they may also be used to describe the relationship of the logoi, or divine energies, both to each other and to the One Logos.[3] With such distinctions between the essence of God and its energies, as well as the distinctions between the energies themselves, there is a resulting plurality of real, yet not opposed, Goods in God. God is consequently left free to create or not to create, for the Neoplatonic and Origenist Problematics and the identification of Essence and Activity, of diversity and opposition, that they embody are completely avoided.

B. This consideration leads inevitably to the crucial interpretive problem involved in any study of St. Maximus. Is the Confessor to be seen as the precursor of Thomas Aquinas, or of Gregory Palamas? It is therefore necessary to say something at this point about this subject, taking Fr. Juan Miguel Guarrigues' article "L'energie divin et la grace chez Maximo le Confesseur" in Istina 19 (1974) as the point of departure for our remarks, for the current study bears some relationship to the conclusions that Fr. Garrigues there presents.

In the main, this article must be seen less as an attack on Palamism and more as a subtle attempt to portray the Confessor as an incipient Thomist. In the opening remarks of the article, Fr. Garrigues endeavors to place the Palamite interpretation of the decisions of the Sixth Ecumenical Council in a bad light by somewhat confusing terminological acrobatics regarding the words "has" and "is":
The Sixth Ecumenical Council has quite thoroughly confessed that the divine nature and the human nature have the energies which are their own properties. But it is nowhere insinuated that the energy which the divine nature has might be really or formally distinct from the essence which it is. [4]
Thus far, Fr. Garrigues' remarks are true and logical enough. It is, however, when he presses his case on "having" and "being" that he runs into trouble, for too much is proved by such an approach:
If, on the contrary, the energy is the energy proper to its essential form, whatever is said of the energy formally characterizes the essence of which it is the energy.... The divine essence does not have an energy, it is energetic, that is to say, that it actualizes all the virtualities of its being.5
This is because "Maximus views the energy as a power of essential existence" [6] Consequently
the essence is not able to have any other proper attributes or energies other than those which it is. For the energy ontologically presupposes the essence in which it inheres.[7]
But even though the argument thus far has been reasonable enough, it is precisely at this point that it begins to break down:
In God the essence does not support the trinity of persons. They have the divine essence. Because they enhypostatize the essence, they are God, but, as persons, they are not implied that the divine essence as it implies its own natural energy.... In effect, only a person of the Trinity is able to have in addition to His own divine being and operation, a human being and operation. The essence is operative, the persons have the operations. [8] 
The argument seems powerful, but, unfortunately, it simply does not fit St. Maximus, who evidently does not observe such rigid rules concerning "having" and "being," for he can write "the One Logos is many logoi, and the many logoi are one (πολλοί λόγοι ὁ εἷς λόγος ἐστί, καί εἷς οἱ πολλοί)." [9] These logoi are also energies, [10] which Fr. Garrigues would view more in the sense of attributes, or alternative names of God; God has what He is and is what He has. But one could, on Fr. Garrigues' approach, maintain that the One logos is no different than the Wisdom, Justice, and Omnipotence which it has. Since St. Maximus quite clearly uses the verb "is" to describe the relationship between the Logos and its logoi, Fr. Garrigues' argument leads to one of two conclusions:, either the logoi are many enhypostasizations of the One Logos, or the One Logos is itself, by an attribute, being composed of many other attributes. Are the logoi persons? Or is the Logos an attribute?

Fr. Garrigues' next argument is crafted with much more care. The whole thrust, and thereby the whole problem, of Palamism is, according to Fr. Garrigues, not in the affirmation that the divine energies are confessed to be uncreated, but that they are in fact said to be in a real manner ontologically distinct from the divine essence, and he even calls in Patriarch Nikephoros I of Constantinople (806-815) as support for the opposing view:
in presenting itself in the line of the council of 680, the Palamite council of 1351... had reason to wish to say that the fathers of the 6th Ecumenical Council have affirmed that the uncreated divine essence implies an uncreated energy in Christ. It is wrong, however, to claim from the Palamite council that it thought that the 6th Council wished to confess a real or formal distinction between the divine essence and its energies, whereas its whole argument against the theandric energy of Monenergism rests on the contrary postulate.... Nikephoros of Constantinople repeats the argument of St. Maximus and the 6th Council which declared that the energy is inherent to the nature: `There is neither essence without energy nor energy without essence' (PG 100:304D). Then, making explicit the postulate which subtends christological dyoenergism, he recalls that, in God, the energy is only able to be distinguished from the essence by reason of its created effects....' It is orthodox to regard the divine energy as eternal, or, to speak more correctly, to regard the energy of God Himself (αυτενέργεια) on account of the impossibility of distinguishing the energy from the essence, for they fall under the same essential principle on account of the property of the simple and incorruptible nature from which they proceed....[11]
This leads Fr. Garrigues to the suggestion that Palamas himself desired less to confess a real distinction between essence and energies and more to preserve one of the most fundamental tenets of the Christian faith, that man may participate in God's divine life.[12] Nevertheless, this real distinction between God's essence and His energies is, Fr. Garrigues maintains, a "sort of eternal emanation of grace logically anterior and independent" of Christ's acts as Creator and Redeemer, [13] for such a distinction is "a reduction of the idea of participation to entitative participation," a distinctly "neoplatonic conception" which "ignores two other modes of participation: participation in the causality of the act of being and intentional participation proper to spiritual beings."[14] Thus we arrive at the real center and root of Fr. Garrigues' difficulties with Palamism: its alleged Neoplatonism.

Palamas' mistake is, according to Fr. Garrigues, that he has no conception of God's essence as "pure aseity." That is to say,
In the manner of the Neoplatonic One, the divine essence is not situated originally in the simplicity of Being in Its pure act, but in that which is Beyond-Being, separated and radically imparticipable. [15]
Consequently, in order to safeguard the doctrine of a real communion between God and the World, Palamas "has to posit a real distinction between the divine essence and its uncreated acts in which creatures participate."[16] And here, very suggestively, Fr. Garrigues brings in the name of Eunomios: 
The god of Eunomios is the infinitely unique monad, radically separate in his essence, and does not admit of any participation in his being... [17] 
The Son cannot, therefore, along Eunomios' model, be fully God by essence, but only by participation in God's energies. 
And viola! For the first time, with the determination of the essence as pure aseity, the distinction between imparticipatable essence and participatable energies is posited.[18] 
According to Fr. Garrigues, then, Palamas, being unable to see God's essence in terms of a "pure aseity" where simple being exists in its pure act, not only "having" that pure act but "being" it as well, [19] must go on to posit some formal distinction between essence and energies. And this, "notwithstanding all precautions, necessarily implies distinction and composition in God." [20] And this in turn leads to the hub of Fr. Garrigues' concern over Palamism, for this distinction "ruins the simplicity of His essence."[21] 

These points are crucial, for, as Chapter Two of this essay has demonstrated, while Plotinus certainly wished to affirm the One's absolute transcendence, his somewhat "definitional" model of simplicity led to precisely that identification of being and activity that Fr. Garrigues would have us embrace, and this identification led in turn to the Origenist Problematic, whose solution was to affirm the precise distinction he would have us deny. 

The implications of this particular aspect of St. Maximus' doctrine of free choice are immense, for the Confessor's doctrine is simply not conceivable, possible, or compatible, with the doctrine of simplicity that Fr. Garrigues is advocating. Lars Thunberg is even more to the point: 
The logos is, as we have underlined, Himself and many logoi, but then the logoi may be said to be the one and only Logos, although what we know of them and their variety does not exhaust what is contained in the Logos. There is no complete identity. As differentiated, the logoi never cease to be different from one another.... The logoi are thus not identical with the essence of God, nor with the empirical forms of existence of the things of the created world.[22]
C. In contradistinction to Plotinus, where the category of things "around God" or "around the One" serves to distinguish the second and third hypostases from the One, where the latter is stable and immutable and the former move "around" it, and in contradiction to Origen where this preposition denotes a category of preexistent souls which are "around" God, in Maximus it serves to signify those energies which are in and "around" a nature. Here "around" serves to designate the fact that the energies "around" an essence are of an infinite "extension" and therefore do not exhaustively define the contents of their essence, and thus are not metaphysically identical with that essence.[23] 

D. In a lengthy footnote (note 49) at the bottom of page 95 of his classic study of St. Maximus, Polycarp Sherwood had this to say about this category of things "around" God: 
I would not only ask, have we here a distinction so developed that it might serve as a later ground for the doctrine of uncreated energies? [24]
The answer to this question in the light of the current study must be an unequivocal "yes." In this regard, the manner of translating περι is of some importance and is indicative of a translator's biases. Sherwood himself should perhaps have been a little more literal in his translation of περι, for he hesitates to give it its full force in English as "around" and prefers the more enervated "about." 

Such a class or category of things is, as we have seen, evident already in Plotinus, and persists into St. Gregory of Nazianzus, who can speak of "things around Him" (τὰ περι αυτόν) from which we may infer "the things proper to Him" (τὰ κατ' αύτόν).[25] Not surprisingly, Fr. Garrigues unhesitatingly translates περι αυτόν not as "around," a translation that he suggests is "trifling,"[26] but as "concerning the subject of God." This seems unjustified, for if the fathers are often alleged to be, at least in terminology if not in intent and content, Neoplatonists, then it would seem more reasonable to give the preposition περι the full sense that it has in Neoplatonism as "around." 


From the book "Free choice in Saint Maximus the Confessor" by Joseph P. Farrell (pages 178-185)

Notes


3. St. Maximus, TheoPol 1, PG91:20B: Ambigua 7. PG91: 1069B. cf. 1077C-1081C; Ambigua 22. PG 91:1257AB: Gnostic Centuries. PG 90:1101B. 11019, 1096D: Alain Riou, Le Monde et L'Eglise. p. 59: Lars Thunberg. Man and the Cosmos, pp.138-139, 140-193.
4. Garrigues, "L'énergie", p. 272, author's emphasis.
5. Ibid., author's emphasis.
6. Ibid., p. 273, citing TheoPol 16, PG91:205B and I Ambig 2. PG 91:1037C.
7. Ibid., author's emphasis, citing TheoPol 1, PG 91:33B, p. 273.
8. Ibid. The underlined portions are the author's emphasis, the italicized portions my own.
9. Ambigua 7, PG91:1081C.
10. Ambigua 22, PG 91:1257AB, cf. Riou, Le Monde, pp. 59-60.
11. Garrigues, "L'energie", p. 273, Fr. Garrigues'  emphasis.
12. Ibid., pp. 274-275.
13. Ibid., p. 275.
14. Ibid., pp. 275-276, Fr. Garrigues' emphasis.
15. Ibid., p. 275.
16. Ibid. 
17. Ibid., p. 277. 
18. Ibid. 
19. Ibid., p. 275. 
20. Ibid., p.279. 
21. Ibid., p.280, emphasis mine. 
22. Thunberg, Man and the Cosmos, p. 139, emphasis mine.
23. TheoPol 16, PG 91:209A, TheoPol 17, PG 91:212D; TheoPol 23, PG 91:261AB;Ambigua 15,PG91:1220D. 
24. Polycarp Sherwood, The Earlier Ambigua of St. Maximus the Confessor and His Refutation of Origenisin, p. 95, note 49. 
25. St. Gregory of Nazianzus, Fourth Theological Oration (Oration 30): 17, PG 31:125BC: 
26. Garrigues,"L'energie",p. 281.